Turing
Alan Mathison Turing est né en 1912 à Paddington, au centre de Londres, dans le district de la cité de Westminster, au Royaume-Uni. Par beaucoup, il est considéré comme l’un des pères de l’informatique moderne, et des gens aussi brillants que John von Neumann s’inspirèrent directement de ses travaux.
Très tôt, il devint évident que le petit Alan Turing possédait une intelligence particulière ; il était curieux de tout, mais s’intéressait en premier lieu aux chiffres, aux énigmes et ses capacités en la matière dépassaient largement celles d’un enfant de son âge.
Pourtant, comme souvent avec les enfants précoces, ses différences lui apportèrent beaucoup d’ennuis, et une scolarité chaotique qu’il assuma à sa façon, en devenant solitaire et réservé.
Malgré tout, le jeune Turing finit par décrocher une bourse de thèse. C’est dans ce contexte qu’il imagina non pas directement une machine, mais un “être calculant” comme il le décrivait, qui appliquerait scrupuleusement des règles mathématiques complexes.
Au cours des années 1937-38, Alan Turing obtient son doctorat en mathématiques à Princeton ; il est enfin reconnu par ses pairs, ce dont il se fiche royalement ! Pour la première fois, il présente la notion d’hypercalcul en relation avec “les machines de Turing”, comme les nommait son directeur de Thèse.
En 1939, la Deuxième Guerre mondiale éclate.
Pour participer à l’effort de guerre, Alan Turing rejoint le GC&CS (Governement Code and Cypher School) à Bletchley Park. À 27 ans, il y travaillera sans relâche sur le chiffrement des communications ennemies, et plus particulièrement sur le fonctionnement de la machine à rotor Enigma qui le passionne.
Très vite, il prendra la tête d’une équipe restreinte travaillant autour d’une machine surnommée “la bombe polonaise” (voir infographie). Bien qu’il n’inventa pas ce calculateur électromécanique, Turing l’améliora avec d’autres mathématiciens, et leurs avancées permirent de déchiffrer les communications allemandes, une percée décisive qui allait grandement avantager l’Angleterre.
C’est sur le front de la bataille de l’Atlantique, mais aussi en Afrique du Nord, que ces renseignements furent cruciaux, car la machine Enigma cryptait aussi les communications des sous-marins allemands, les fameux loups gris de l’amiral Doenitz.
En 1941-42, l’Angleterre survivait grâce aux convois de ravitaillement et d’armes venus des USA, et les travaux de Bletchley Park sauvèrent des centaines de navires (et des milliers de vies) en permettant de dérouter les convois dès leur repérage par l’aviation, soit avant l’attaque des redoutés U-boote qui voyaient leurs proies s’échapper en changeant de cap sans raison apparente…
Cette opération de cryptanalyse fut nommée “Ultra”. Placée sous le sceau du secret absolu, elle ne fut révélée qu’au milieu des années 70, soit trente ans après !
Pendant son passage à Bletchley Park, Alan Turing fut à l’origine d’autres travaux essentiels, comme le cassage du code de la machine de Lorenz, ou encore l’élaboration de brouilleurs radio.
Ce n’est qu’en 1945, une fois la guerre terminée, après un bref passage aux USA, qu’Alan Turing se rend à Teddington UK, où il travaillera au National Physical Laboratory. C’est là que le génial mathématicien, inspiré par les travaux de Von Neumann, ébauche les premiers plans d’un ordinateur moderne, l’ACE, pour Automatic Computing Engine.
Toutefois, trop individualiste, toujours, Turing ne s’entend guère avec ses nouveaux collègues, pas plus qu’avec la direction du laboratoire, trop rigide à son goût ; il choisit alors de s’en aller suivre des cours de biologie, à l’université de Cambridge…
En 1948, il est appelé par Max Newmann, un ancien collègue de Bletchley Park, qui dirige le développement du Manchester Mark1, l’un des premiers ordinateurs connus.
Turing accepte l’invitation, et il se met au travail en programmant cette machine complexe.
En 1950, il rédige un article sur l’intelligence artificielle et invente au passage le fameux test de Turing, qui permet de différencier l’humain d’un ordinateur. Ce test fut une référence jusque dans les années 80, où il inspira encore l’élaboration des fameuses captchas, largement utilisées actuellement sur Internet.
En 1952, une sordide affaire de complicité lors d’un cambriolage révèle pendant l’enquête l’homosexualité de Turing. Ce dernier ne nie pas… Et alors ?
Alors on est en Angleterre et à cette époque, la loi réprime sévèrement l’homosexualité…
Après un procès où personne ne mentionne le rôle qu’il joua pendant la guerre (Secret Act oblige) Alan Turing fut condamné et sommé de choisir : la prison ou la castration chimique !
Turing refusa la prison et, après une année de traitement éprouvant, il n’était plus que l’ombre de lui-même.
En 1954, déshonoré aux yeux des imbéciles, exclu des projets scientifiques et complètement seul, il croque une pomme imbibée de cyanure, comme dans Blanche-Neige et les Sept Nains…
Ainsi mourut Alan Turing, l’un des plus grands mathématiciens du Royaume-Uni, sur une ultime pirouette !
Il fallut attendre 2009 pour que, par la voix de son Premier ministre Gordon Brown, l’Angleterre consente à regretter sa condamnation, mais pas encore à l’annuler…
Le 24 décembre 2013 cependant, sous la pression d’un collectif de scientifiques, la reine Élisabeth II gracie Alan Turing à titre posthume au nom de l’Angleterre reconnaissante : c’est bien le moins qu’elle pouvait faire, l’Angleterre… Alan Turing à 16 ans, déjà particulièrement brillant… … et à 42 ans, un homme tourmenté au génie incisif… La fameuse “bombe”, au temps où l’Angleterre avait besoin de lui… Le résumé d’une vie, posé dans un parc où il se rendait souvent.